HISTOIRE de l'art.
Jeudi 14 janvier 201O.
Conclusion pour la Flagellation : ce tableau s'adresse à des spectateurs lettrés, une « élite » -philosophes, intellectuels- mais il correspond à un raisonnement nouveau. Tout est exact (proportions), cohérent (construction de l'image jusque dans les matériaux choisis), observé depuis la réalité. Cette œuvre doit susciter la méditation (démarche philosophique) puisque le supplice de Jésus n'avait pas encore lieu, c'est un instant suspendu qui doit amener la réflexion sur cet épisode. On a une idée d'harmonie de l'homme avec l'espace dans lequel il se trouve (comme à l'époque antique : en harmonie avec l'univers).
Double portrait de Federico de Montefeltro et de sa femme Battista Sforza par Della Francesca, 1465 (Florence, galerie des offices)
Dans la tradition du portrait à l'Antique, remis au goût du jour (il était déjà très présent chez les romains). Portrait de profil comme sur les pièces de monnaie, les médaillons (qui représentaient alors les empereurs). Pourquoi représenter quelqu'un de profil ? Pour distinguer au mieux les traits physiques : ici, très caractéristiques. Permet d'identifier, d'individualiser le sujet. Dans l'art grec, on idéalise pour rendre beau, chez les romains, par contre, on met en évidence le tempérament (représentation réaliste). Ses traits permettent de connaître son vécu (nez cassé lors d'une bataille qu'il a ensuite gagnée). Ce qui le glorifie, le rapproche d'un héros (motif de fierté). Les deux personnages sont représentés de manière très neutre, aucune expressivité. Maintien droit, attitude très digne, mis en valeur par leurs vêtements à la dernière mode renaissante notamment. LA couleur rouge est très chère (statut social et richesse mis en avant), collier de perles et coiffure élaborée ainsi que front épilé (grande mode du moment) pour sa femme. Lien entre paysage et personnage : une partie des terres des deux époux qui par leur mariage les ont réunies. Donne l'impression que leur domaine s'étend à perte de vue. Les personnages semblent surélevés, ligne d'horizon basse, monumentalité et présence des personnages s'en trouvent renforcées. Ils sont représentés en buste (jusqu'à mi-bras). Ils n'ont pas l'air très vivant, surtout elle en raison de sa pâleur (F. a probablement commandé le tableau en hommage à son épouse qui venait de décéder, son teint blafard semble témoigner de son passage dans l'au-delà). Il part de formes géométriques (cylindres, ovales, carrés) qu'il habille ensuite pour construire le dessin. Le côté calculé de la forme contribue à leur donner de la distance par rapport au spectateur (froideur caractéristique de l'artiste). Diptyque : deux panneaux de bois qui se font pendant. Continuité spatiale grâce au paysage. Pas de ligne de fuite, effet de flou, de brouillard dans les montagnes lointaines (formes s'atténuent) : perspective atmosphérique. Déjà inspiré des primitifs flamands : fusion des idées entre les peintres du Nord et du Sud. Précision extrême (rides des paupières, brillance de la parure).
E. Mantegna.
Artiste important : un des premiers à appliquer les idées de Florence vers le Nord de l'Italie, ce qui leur permettra ensuite de se propager jusqu'en Europe du Nord. Il permet donc la diffusion des idées de la renaissance. Il s'oppose radicalement au style gothique, à son côté décoratif et un peu fantastique. Il a une véritable mélancolie pour l'Antiquité: nostalgie de ce passé glorieux, paradis perdu où il aurait aimé vivre. Il travaille notamment à Mantoue pour le Duc de Mantoue qui va lui demander de décorer son Palais.
Œuvre : Mantoue, Palais ducal, la chambre des époux, décoration, 1473.
Oculus peint en trompe-l'œil. Représentation illusoire d'une architecture. L'artiste est un des premiers à rendre l'illusion de l'architecture de façon aussi réaliste. Perspective linéaire, lignes de fuite, raccourcis (les angelots). On a affaire à un des premiers exemples aussi aboutis, illusion de l'architecture de manière vraisemblable, précise. Il faut être juste en-dessous pour avoir cet effet d'optique. But : construire un espace idéal, unitaire où architecture et peinture ne font plus qu'un.
Œuvre : Saint Sébastien, peinture à la détrempe sur toile (plus sur des panneaux de bois car fin du 15ème siècle, ils utilisent de plus en plus fréquemment des toiles) 1480, conservé au Louvre. Décor : Saint Sébastien est l'élément central, axe vertical renforcé par la colonne en ruine à laquelle il est adossé (évocation de l'architecture Antique et de la splendeur du passé). À l'arrière-plan, villes construites anarchiquement -décalage avec les villes romaines linéaires et orthogonales-. Le personnage ressort de manière frappante, à cause de la mise en page car le spectateur se situe à hauteur des pieds à l'instar des archers. Éléments ciselés, passion de l'Antiquité. Côté robuste, architecture et anatomie (sens du volume, muscles précis, solidité du corps). Puissance dans les formes. Le martyr de Saint Sébastien est un prétexte à l'étude détaillée du corps humain, on s'éloigne de la beauté élégante, on s'approche des artistes de la maturité tels que Michel-Ange. Le muscle ne semble pas tendu malgré les flèches qui le transpercent -décalage, ou l'artiste veut montrer Saint Sébastien comme ayant dépassé le stade de la souffrance-. Élément païen, mais martyr chrétien : on fusionne le monde Antique païen avec le monde chrétien à la renaissance. En dépassant la souffrance physique, les idées dominent (très typique de la renaissance). Visage : traits marqués par la fatigue mais regard dirigé vers le ciel, comme s'il communiquait déjà avec l'au-delà. On met en évidence l'âme, la conscience qui s'échappe déjà et se trouve pour ainsi dire ailleurs. Renaissance = très cérébral. Les seuls élément qui rendent le moment tragique, atténuent un peu la froideur : les nuages grisâtres dans le ciel.
Œuvre : Le Christ mort, conservé à Milan, vers 1480, tempéra sur toile.
Pour une fois, le personnage est travaillé de manière frontale avec un raccourci. Le Christ n'est donc pas représenté en longueur, on a ses pieds en premier plan. Travail en perspective. La tête paraît un peu trop grosse, car l'artiste eut montrer au maximum le visage, il amplifie donc. Manque de précision niveau rapport de proportions. Impression de l'ambiance : mort, lourdeur, austérité. Très sévère, la pleureuse sur la gauche fausse l'ambiance générale, elle ajoute de l'émotion. Aspect humaniste : visage très expressif, proche de la réalité du visage d'un mort après la souffrance. La lumière, contrastée et plutôt blanche, met en évidence le relief du corps. La lumière prend de plus en plus d'importance : on travaille le clair-obscur. Cadrage : le Christ prend toute la place, on montre tous les détails des marques de sa crucifixion (renforce le côté cru de la réalité).
F. Sandro Botticelli
La naissance de Vénus, Florence offices, 1485.
Œuvre commandée pour les Médicis qui devait décorer une de leurs maisons de campagne. À la détrempe sur toile (pas à l'huile contrairement à ce qu'affirment certaines sources). Grandes dimensions. Le titre est erroné, on n'a pas l'impression de sa naissance mais de son arrivée sur terre (sur l'île des amoureux par excellence, CYTHERE). Les personnages qui entourent Vénus sont Zéphyr, le dieu du vent, et sa copine Chloris (sur la gauche) qui poussent Vénus jusqu'à terre. Chloris se transformera dans le printemps en Flore, la déesse du printemps grâce, à sa fusion avec Zéphyr, et le personnage de droite est une nymphe du printemps, Hora. Elle va vêtir Vénus d'un manteau de fleurs. Œuvre typique de la renaissance Florentine. B. avait sa renommée notamment à cause de la souplesse des formes. A la renaissance, synthèse entre le monde païen de l'antiquité et la religion chrétienne des artistes. FUSION. On a affaire à une œuvre importante car nu, une Vénus inspirée de l'antiquité, mais ce mythe de Vénus est transposé dans le monde chrétien de la renaissance.
Composition : déhanché, manière de se cacher partiellement : inspiré de la Vénus pudique de l'antiquité (Venus pudica). Mais il y a un second degré de lecture : pas seulement l'image de la beauté physique représentée par Vénus, il y a des références plus subtiles à la religion chrétienne. La gestuelle de Vénus fait penser à une transposition du baptême du Christ.
Vénus à la fois modèle antique (amour CHARNEL et beauté), référence et rappel biblique en raison de l'allusion au baptême du Christ (croyance chrétienne : baptême = naissance de l'âme, donc Vénus représente aussi l'amour spirituel et la beauté « spirituelle »). => philosophie de la renaissance : néo-platonique : synthèse du monde terrestre et du monde des idées. Vénus est ici synthèse de la beauté physique et spirituelle. On sent sa conscience, B lui a insufflé un souffle de vie : elle a quelque chose dans le visage, même si c'est très subtil : on donne l'impression que le visage est vivant. PAS QU'UNE OEUVRE DECORATIVE : cheminement intellectuel. Antiquité : on montre la beauté physique, Renaissance, on va encore plus loin : on donne une conscience.
Elle esquisse bien le déhanché typique de l'antiquité -tout le poids repose sur la jambe gauche-. Autres aspect de la composition : les formes. On considère que cette Vénus est le premier VRAI nu féminin de la peinture : Botticelli a observé le corps féminin, souci de cohérence, pas de stéréotype, détails de l'anatomie. Il accorde beaucoup d'importance à la ligne courbe : œuvre sinueuse, flottante, courbe, ondulée. Tout est bien découpé, silhouettes marquées, on retrouve cette ligne dans les accessoires, les cheveux. Impression d'air : le vent souffle, soulève les cheveux et gonfle le voile du manteau. Délicatesse ! A la fois chaud comme ambiance, mais avec une certaine fraîcheur (dans le sens vivifiant). Blond vénitien car raffinement. Incohérence dans le tableau : les vagues représentées naïvement, de façon stéréotypées. Accentue la dimension irréelle.
L'harmonie entre l'homme civilisé et la nature est ici bien présente : équilibre personnage-paysage. Sûrement commandé par les Médicis : destiné à être vu par une élite. Thème sûrement proposé par les commanditaires.
III. Le cinquecento. (= 16eme siècle)
En 25 ans, tout est dit niveau maturité. Les artistes les plus importants, les plus connus : Raphaël, Michel-Ange, De Vinci. La période de la maturité de la renaissance se dévoile durant le premier quart du cinquecento : dès 1495 jusque 1527. Elle se déroule à ROME. Pourquoi ? Car présence de magnifiques vestiges antiques (ancienne capitale de l'empire romain). Fin du 15eme siècle : déclin de la famille des Médicis, du coup Florence est supplantée par Rome. On y trouve les plus grands mécènes : papes qui vont commander les plus grandes œuvres qui seront donc liées à la religion. 1527 le « sac » de Rome : ville ravagée par des protestants. Charles Quint a le malheur d'avoir un territoire immense où il ne peut PAS tout contrôler : rébellions en Allemagne et aux pays-bas à cause de Luther. Même si Charles Quint reste catholique, il ne peut empêcher les autres de saccager Rome au nom d'idées protestantes.
(4 février)
Après 1527 : période dite de déclin : en réalité prise de liberté des artistes = MANIERISME (qui est un courant artistique à part entière).
A. Architecture.
Bramante : Le Tempietto, Rome 1502. à voir le bâtiment de l'extérieur on reconnaît les temples circulaires de l'Antiquité. Les temples de l'antiquité sont païens, là, il s'agit d'une petite église chrétienne. Ce bâtiment est surtout commémoratif, il se situe là où St Pierre fut crucifié. La Renaissance s'est adaptée au christianisme : combinaison des formes de l'antiquité avec une fonction purement chrétienne. Plan original (circulaire, forme parfaite) s'adapte bien à l'esprit humaniste. Symboliquement, St Pierre est au centre. Relief mis en avant, alternance de pleins et de vides : importance de la volumétrie dans les bâtiments du cinquocento. C'est un bâtiment toujours régulier, symétrique (comme au quattrocento) mais ici on va plus loin car on accentue le volume. Apport décoratif moindre par rapport au quattrocento : sobriété, pas de décorations gratuites. Les colonnes, par exemple, d'ordre Toscan -un des ordres les plus sobres de l'Antiquité romaine-. On évite les fioritures inutiles. Les éléments structurels et d'architecture donnent un aspect esthétique par leur simple présence (rythme des colonnes par exemple). On joue directement avec l'architecture au lieu d'ajouter par-dessus. Bâtiment aux proportions calculées d'après le nombre d'or (rappel : artistes = intellectuels à la renaissance) dans le but d'un résultat harmonieux. Malgré ses petites dimensions, effet de noblesse voire de monumentalité : il paraît imposant, il est tout en force.
En résumé, typiquement renaissant car :
comme au quattrocento, symétrie, régularité, rythme, calcul de proportions = harmonie
mais va plus loin car volumétrie accentuée, sobriété des éléments décoratifs (ordre toscan), plan repris à l'Antiquité (cercle = forme parfaite, centre = humanisme).
La Basilique St Pierre de Rome, Bramante
1506, Bramante commence la basilique. Le plus grand bâtiment chrétien de son époque. Construit sur un édifice paléo-chrétien donc plus ancien (4ème siècle). L'ancien édifice était de plan basilical càd en longueur. Bramante propose un plan différent : il garde l'idée du plan centré mais joue sur la forme symbolique (ici croix grecque). CROIX GRECQUE = plan centré, 4 bras de même longueur. Sépulture de St Pierre au centre. B a prévu de placer une coupole mais il meurt avant la fin du chantier. 1546 : Michel-Ange reprend le chantier, épaissit les murs et les piliers, définit un axe d'entrée (ouest) avec portique, construit la coupe. Volumétrie sur la coupole de Michel-Ange : travailler l'architecture qui canalise le décor.
Place du CAPITOLE, 1536 environ, autre chantier représentatif du travail de Michel-Ange.
Terrain peu vaste : contrainte pour Michel-Ange. Il construit un 3ème bâtiment pour définir la forme de la place, il refait les façades des 2 bâtiments existants par souci de cohérence. Forme de la place = trapèze : impression de grandeur, ouverture, amplification du champ visuel, idée de perspective. Centre = statue en bronze très importante, vestige récemment découvert à mettre en valeur. Le pavement, dallage de forme elliptique rappelle le socle de la statue et donne du dynamisme. Forme en ellipse influencera l'art baroque. MARC AURELE = la statue.
Petite note : Palazzo : grosse corniche, 3 étages, forme rectangulaire. Mais dans le cinquocento, fenêtre rectangulaires mises en évidence par colonnes. On met en valeur l'architecture et presque plus de décor à part sur la corniche.
B. La sculpture.
La Pieta, Michel-ange, 1498-99. Œuvre en marbre, conservée dans la basilique St Pierre (bien protégée, vitrée car a subi des actes de vandalisme par le passé). Il avait 23 ans, c'est donc une œuvre de jeunesse. Le travail du marbre s'exécute avec burin et maillet : difficulté = pas droit à l'erreur car pas moyen de retoucher si faux mouvement. Forme du bloc de marbre imposée (l'artiste va choisi en fonction du thème qu'il veut aborder) : ici bloc plus ou moins triangulaire, composition de type pyramidal. Ici, provient de la carrière de Carrare. Thème : Marie receuille le corps de son fils après la descente de croix. Composition très équilibrée. Deux axes principaux vertical-horizontal et ligne de force en S qui définit le corps de Jésus (plus souple). Base large : assise importante. Écart entre les jambes de Marie: elle supporte le corps de son fils sans effort : femme forte aux dimensions élargies. Symboliquement, Marie est maître de ses émotions (douleur contenue), elle reste digne. L'épaisseur du drapé renforce la solidité de la base (drapé anguleux, très épais). Le drapé contraste avec celui de sa poitrine qui est plus léger, travaillé tout en finesse (lignes sinueuses, courbes). Le drapé de la poitrine est également collé au corps de Marie, au point de laisser transparaître ses seins : laisse deviner l'anatomie d'un corps féminin toute en subtilité, en le dissimulant un peu avec le drapé. Astucieux de sa part ! Un des premiers à suggérer le corps féminin sans travailler vraiment le nu. Formes : corps de Marie amplifié, plus large que nature (surtout au niveau du torse), très robuste donc en contraste avec la délicatesse de son visage. Par les proportions amples de Marie, on la distingue également du commun des mortels : puissance particulière à connotation divine. Jésus est longiligne, allongé, ce qui le rend encombrant : ses jambes n'en finissent plus, il prend de la place. Cependant, vu les proportions de Marie, son poids ne paraît pas excessif. On a l'impression d'affaissement, de relâchement chez Jésus (tête qui « tombe » en arrière). Dans les deux cas, recherche de beauté idéalisée selon les canons de la renaissance : beauté = notion subjective qui change d'un époque à l'autre. On voit les moindres détails de l'anatomie. Traits réguliers, jeunesse du visage de Marie : idéalisation là encore. L'œuvre vit grâce à la lumière : il a le sens du relief, travail de clair-obscur, il cherche à accrocher la lumière. Il module cette idée de lumière.
Enseignement de la Pieta : Marie a conscience que le sacrifice de son fils va le mener à la vie éternelle, il n'est pas vain.
La Pieta de Florence, commencé vers 1538, inachevé à la mort de Michel-Ange.
Marbre également, mais pas poli : côté rustre, rugueux au niveau du socle et du personnage de droite. Portrait grossier car non fini en ce qui concerne Marie, à peine ébauché. Quatre personnages dont un n'a rien à voir : le personnage de gauche, qui a été rajouté par un élève de Michel-Ange. Michel-Ange voulait que cette œuvre soit une stelle pour son tombeau, vœu non exaucé, œuvre éternellement inachevée. Le personnage de gauche représente Madeleine, le personnage du dessus Nicodème (qui a soutenu Jésus pour l'emmener au tombeau) ou Joseph d'Arimathie (personnages que l'on confond souvent dans les écrits). Le visage de ce personnage du dessus correspond aux traits de Michel-Ange : occasion de faire un autoportrait. Composition en pyramide, mais pas d'horizontale : Jésus en position verticale, soutenue un peu par Marie et en grande partie par Nicodème/Joseph. Marie devient une femme qui s'efface, le corps du Christ prend toute la place, soutenu par Nicodème/Joseph qui domine la composition. Seul avantage du personnage incrusté de gauche : équilibrer la composition. De nouveau, le corps de Jésus dessine une courbe intéressante.
Ici, Jésus est non seulement encombrant, mais lourd : on ressent la pesanteur. Marie peine à le soulever. Michel-Ange a particulièrement exagéré la partie entre la poitrine et la bassin chez Jésus : musculature étudiée en détail. Michel-Ange n'en a rien à faire des têtes, il préfère les corps : on sent que la tête est secondaire pour lui. Il aime l'idée de torsion des corps, et les tendons, veines, bref, ce qui met du relief. Sens de l'œuvre : Michel-Ange se représente en Nicodème/Joseph, comme il est placé tout en haut, il se donne un rôle, devient un personnage important, il se représente âgé, fatigué, ce qui traduit sa préoccupation pour on salut : il s'inscrit dans une scène religieuse.
La Pieta Rondanini, Michel-Ange, Milan, 1555- inachevé
Il s'agit encore de marbre, même si on ne dirait pas (très rugueux car pas poli). Composition très originale, Marie semble presque être sur le dos de son fils (jeu d'ambiguïté : on donne l'impression que Jésus la porte sur son dos). Les deux personnages fusionnent, forment un axe vertical. Marie est située plus haut sur un socle, elle est supposée supporter le corps de son fils mais avec l'ambiguïté, on a l'impression que c'est Jésus qui la porte... Pratiquement pas de limite entre les deux torses, Michel-Ange a voulu placer le personnage du Christ à un endroit symbolique : le ventre de Marie. L'idée de le plaquer contre elle à cet endroit suggère indirectement la renaissance du Christ vers la vie éternelle, et évoque la première naissance du Christ en tant que bébé. Ça évoque donc une seconde naissance, la mort n'est qu'un passage. Marie est affaiblie, menue, on ressent plus sa douleur morale. Michel-Ange se préoccupe de son propre vécu : passage vers la mort = souffrance. Comme c'est inachevé, on a l'impression que le corps de Marie s'effrite (ce n'est pas voulu mais très intéressant, ce côté rugueux, fripé, imprécis).
Évolution de la beauté physique vers l'émotion dans le travail de Michel-Ange.
Le Tombeau du pape Jules II, à partir de 1505-1545
Le tombeau actuel ne correspond pas du tout au projet de Michel-Ange.
Michel-Ange a fait la Pieta et un David qui ont séduit, au point que le pape lui confie la réalisation de son tombeau. Ils ont tous deux un tempérament fougueux : le style de Michel-Ange plaît donc à Jules II. Michel-Ange est très enthousiaste, il imagine tout d'abord une sorte de pièce montée avec 40 sculptures (motivation). Il consacre une bonne partie de son temps à ce projet, jusqu'à ce que Jules II se désintéresse du projet de son tombeau et lui impose la réalisation des fresques du plafond de la chapelle Sixtine (àpd 1508 jusque 1512). Dès qu'il en a fini avec la décoration de la chapelle, Michel-Ange veut se donner entièrement au tombeau, mais Jules II meurt et 1513. Du coup il est urgent de faire un tombeau MAIS les descendants de Jules II refusent de financer outre mesure : il faut donc que Michel-Ange fasse quelque chose de plus simple. De cette nouvelle version subsiste la figure centrale : le Moïse. C'est la seule qui sera placée dans le tombeau final. Traditionnellement, on représente Moïse avec deux cornes sur la tête, ce qui permet de l'identifier (ce qui résulte d'une mauvaise traduction des textes : « lumière » ressemble à « corne » en hébreu). Connotation positive des cornes à l'époque antique : idée de puissance, d'honneur.
04.03.10
Le Moïse (cf cours précédent) est un personnage aux proportions très amples, car Michel-Ange cherche toujours à marquer les détails anatomiques -muscles, veines, etc, tout transparaît dans les moindres détails-. Le personnage doit impressionner, inspirer la puissance : il est tout en force, alors que dans la tradition Moïse est plutôt représenté comme un vieillard. Idéalisation des personnages pour montrer leur statut particulier : personnages bibliques au-dessus de la norme ! On indique son âge par sa barbe mais il semble noble, fort. On sent son énergie à travers ses traits du visage, esprit vif. Le personnage doit inspirer tout à la fois la crainte et une certaine fascination. Contraste entre le drapé creusé (clair-obscur) qui accroche la lumière et la barbe tout en finesse. Diversité du travail qui se remarque dans les détails. De plus, il utilise différents outils pour les différentes parties. Il arrive même à créer des idées de mollesse, il donne le change, idée de vraisemblance par rapport à la réalité.
Michel-Ange a aussi réalisé deux sculptures inachevées à l'époque du Moïse : on les appelle les esclaves ou les captifs. Elles sont restées dans son atelier, passées de main en main pour atterrir au Louvre. Comme elles sont inachevées, on a du mal à deviner de qui il s'agit, il y a des tas d'hypothèses.
Après avoir terminé le Moïse et laissé les deux figures en plan, dans les années 30, Michel-Ange reprend le tombeau et crée quatre nouvelles figures d'esclaves qui elles aussi demeureront inachevées. Elle sont à présent conservées à Florence.
En regardant les sculptures inachevées dont « l'esclave se réveillant », on peut discerner sa méthode. Il part de la partie centrale du corps (tronc, torse), les membres sont secondaires et il réalise la tête par obligation mais à contre-cœur. Le personnage dégage quelque chose, avant même d'être achevé. Michel-Ange se prenait pour un créateur : conscient de son génie, il avait quasiment l'impression de dégager la vie. « Il y a dans les blocs de pierre des images somptueuses et fondamentales, pour autant que notre génie soit capable de les en arracher », a-t-il dit. « Notre génie » faisait évidemment référence au sien.
Depuis le début de la Renaissance, les artistes ne montrent plus uniquement la beauté physique comme à l'Antiquité mais également l'âme (exprimée à travers le corps). On arrive à sentir l'âme à travers les corps du personnage, ce qui est très rare.
C. Peinture.
A. Léonard de Vinci (Vinci 1452- Loire 1519)
Il a fait la transition entre le Quattrocento et le cinquecento.
Il a pris le nom de sa ville comme patronyme car il est le fils naturel d'un notable de Florence et d'une paysanne. Son père n'a pas pu le reconnaître, mais il a malgré tout veillé à son éducation et a pris soin de subvenir à ses besoins. Pas un enfant malheureux mais éduqué à la campagne ce qui a favorisé son sens de l'observation. Il a ensuite été l'élève de Verrochio, à l'âge de 17 ans (probablement pistonné par son père) qui s'est estimé dépassé au niveau de la peinture et a décidé de se consacrer entièrement à la sculpture. A 30 ans, il entre au service du duc de Milan. Il travaillerai chez lui jusqu'à la chute du duché de Milan. Il y est engagé en tant qu'ingénieur militaire : il a réalisé des machines de guerre, des plans de batailles... Il occupait aussi la fonction d'organisateur des fêtes & évènements. Pendant ce temps, il peint, réalise des commandes sans être peintre à part entière. En 1495, il réalise une œuvre célèbre, commandée par un couvent : la cène. Il s'enfuit ensuite du duché en 1500, va à Florence et réalise des commandes privées comme la Joconde en 1503. Il ne travaille pas réellement à Rome mais reçoit les hommages du papa en 1513. Artiste très apprécié, très recherché. En 1517, il est engagé par François Ier qu'il suit an France. Il devient donc peintre du Roi de France et s'installe du côté d'Amboise (Loire). Il va avoir sa propre résidence tant il est estimé. On ne lui connaît pas de mariage, vie privée obscure.
La Cène, 1495.
Œuvre réalisée pour le couvent St Marie des Grâces. Immense, située sur le mur du fond du réfectoire (logique car thème du repas). Dimensions d'une fresque, mais il a utilisé une technique mixte au lieu d'une fresque : détrempe rehaussée d'un peu d'huile, peinte directement sur le mur. Il s'agit d'une technique inadaptée, Léonard a voulu innover, expérimenter, typique de son tempérament. Cette œuvre a scandalisé les moines : traditionnellement, les personnages sont alignés, représentés face à nous et systématisés, sans mouvement, sans dynamisme (composition statique) alors qu'ici, il y a du mouvement, de l'agitation (dans le but d'être réaliste, attitudes, gestes naturels = naturalisme, cohérence par rapport à la réalité). Léonard de Vinci a choisi un moment clé : l'annonce que quelqu'un a trahi Jésus. Chacun des apôtres est individualisé, chacun a sa propre réaction. Cette œuvre manque d'ordre et de calme pour les moines : animation, agitation MAIS composition très organisée (un personnage central avec de part et d'autre six apôtres, regroupés par trois). Il arrive à les disposer de manière telle que ça paraisse naturel, en gardant une rigueur réelle dans la composition. Contraste entre les apôtres et Jésus qui, lui, paraît triste, fermé, isolé des autres (vide autour de lui). Il est également mis en évidence par l'encadrement de la fenêtre derrière lui (idée de l'auréole?). Avant-plan fermé par le mur comportant trois ouvertures qui donnent sur l'arrière-plan = paysage qu'on devine à peine. Formes : les personnages ont du volume, mis en évidence par les drapés. Bien proportionnés, Formes géométriques pour l'architecture. Côté désordonné du banquet